Mieux expliquer l’électricité statique en classe

 

Électricité statique : un exemple classique à l'école, dont on commence seulement à comprendre les mécanismes…

Le contexte, bref survol de ce qu'on sait déjà

En classe, on illustre souvent l'électricité statique avec un ballon frotté sur les cheveux, Cf par exemple une activité au .
Mais au delà de ces expériences assez bluffantes, les mécanismes de cette électrisation au niveau nanométrique sont mal compris.

On connaît d'étonnantes adaptations biologiques (des araignées dont le fil les maintient en l'air avec le champ électrique JTS ci ;  des bourdons munis de capteurs de champ électriques (Sutton,& al., 2016) ici. On sait que ce phénomène jour un rôle la formation des planètes (Steinpilz,& al. (2020) ici) et des nuages (Berdeklis,& al. 2001) ici.  De plus ce phénomène est au coeur de plusieurs applications industrielles (imprimantes laser et photocopieuses, prévention des décharges électrostatiques, gestion des flux de poudres et poussières dans les conduites industrielles, captation des particules fines des fumées de chauffage, etc.).

JTS présente ici une version vulgarisée : la News dans Nature (Lacks, & al., 2025) ici, et des extraits de l'article d'origine de Sobarzo et al. (2025) pour montrer que cela vaut la peine de s'y plonger pour tenter de bien comprendre… Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Sobarzo et al. (2025) ici,(traduit) écrivent : "L'électrisation par contact, également appelée « tribo-chargement » ou « triboélectrification », défie notre compréhension. En principe, le phénomène semble simple : prenez deux isolants neutres, mettez-les en contact, puis séparez-les, et ils échangeront une charge électrique. Souvent associée à l'« électricité statique » et aux démonstrations classiques de ballons frottés sur les cheveux, l'électrisation par contact joue un rôle essentiel dans de nombreux phénomènes naturels, de l'électrification des nuages d'orage à l'adhésion du pollen sur les bourdons, en passant par l'accrétion de poussières dans les protoplanètes." Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici (ils fournissent des références pour cest exemples) 

La rationale d'un article scientifique est la justification logique qui motive l'étude. En quelques mots, c'est l'explication du pourquoi l'étude est menée, en s'appuyant sur l'importance du sujet et les lacunes de la littérature existante.

La rationale = ce qu'on ne sait pas encore et que l'étude va aborder

Bien qu'on les ait empiriquement classés, on ignore pourquoi certains matériaux gagnent une charge négative et d'autres une charge positive.  Lorsqu'un élève veut comprendre en profondeur ce qui se passe précisément pour que ces électrons se déplacent, on peut avancer un début d'explications, mais on est vite emprunté et en général on néglige des aspects plus complexes, comme le rôle des nano-déformations de surface dans ces transferts de charge.D'après la news dans Nature Lacks, & al. (2025) ici

Sobarzo et al. (2025) ici, sont plus explicites "Cependant, comme le rappellent systématiquement les articles sur le sujet, les aspects les plus fondamentaux du phénomène – à savoir la nature des porteurs de charge et les causes de leur transfert – restent débattus. Parmi les observations les plus marquantes figure la tendance des matériaux à s'ordonner en séries triboélectriques, c'est-à-dire en listes transitives basées sur le signe de la charge qu'ils acquièrent. Par exemple, dans la première série de ce type, établie par J. C. Wilcke en 1757, le verre se chargeait positivement par rapport au papier, et le papier positivement par rapport au soufre ; il en résultait que le verre se chargeait positivement par rapport au soufre.

L'existence des séries triboélectriques a conduit à l'hypothèse qu'un unique paramètre sous-jacent pourrait dominer le phénomène – appelons-le φ par convention. De nombreux mécanismes ont été proposés pour expliquer φ, parmi lesquels les propriétés électroniques, l'acidité et la basicité, le potentiel zêta, l'hydrophilie et l'hydrophobie, la flexoélectricité et la mécanochimie, pour n'en citer que quelques-uns." Traduction de Sobarzo et al. (2025)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Cette nouvelle recherche et ce qu'elle apporte

 La News (Lacks, & al., 2025) ici présente le dispositif expérimental

Dispositiif expérimental de Sobarzo et al 2025
Fig 1:  Les propriétés de transfert de charge de matériaux identiques divergent spontanément pour former une série distincte. a. Dans les expériences de Sobarzo et al., des échantillons identiques d'un matériau ont été fixés sur des tiges et pressés l'un contre l'autre, en utilisant un capteur de force pour garantir l'application d'une pression définie. L'échange de charge entre les échantillons a été mesuré à l'aide d'un dispositif capturant les particules chargées (une coupelle de Faraday) relié à un électromètre.. [figure]. Source : Sobarzo et al. (2025)

L'étude de Sobarzo et al. (2025) apporte un début d'éclairage nouveau et assez surprenant : La news (Lacks, & al., 2025) ici la résume en indiquant que des matériaux en contact « se souviennent » de leurs interactions passées. D'après Nature Lacks, & al. (2025) ici
Franchement JTS a trouvé cela étrange, fascinant, presque mystique, mais pas très éclairant. 

En lisant Sobarzo et al. (2025) ici, on trouve qu'en mesurant le  ΔQ (charge moyenne échangée sur cinq contacts, en commençant toujours avec des échantillons entièrement déchargés (voir Methods).)  alors qu'au premier frottement, ils sont à peine chargés et de polarité aléatoire (leur figure 2a), plus les échantillons ont subi de frottements, plus ils se chargent ensuite -et toujours négativement (fig 2 b) Traduction de Sobarzo et al. (2025)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Contact drives evolution.

Fig 2:  Pour explorer les causes de l'évolution de la série, nous avons d'abord effectué des mesures de référence sur 24 paires d'échantillons vierges. Ces derniers se chargent aléatoirement autour de zéro, […]b. Motivés par l'hypothèse que l'acte de contact lui-même pourrait induire l'évolution de la série, nous avons préparé 48 nouveaux échantillons et exposé la moitié à 100 contacts préalables. En les mettant en contact avec des échantillons  n'ayant pas subi de contacts précedemment (unbiased) et en mesurant ΔQ₅, nous avons observé un effet net : les échantillons ayant subi des contacts préalables se chargent systématiquement négativement. [figure]. Source :figure 2 Sobarzo et al. (2025)

Ainsi quand la news parle de "mémoire" il s'agit d'une accumulation ΔQ  au cours des essais, JTS trouve qu'on comprend mieux en lisant l'article d'origine :-)

Un modèle : Premier paramètre proposé : l'historique des contacts (~leur intégrale)

Sobarzo et al. (2025) produisent ensuite un modèle qui reproduit leurs données expérimentales et les séries triboélectriques. Ils montrent que ce modèle explique ces  données et permet de faire des prédictions qu'on peut vérifier

Voir le texte de Sobarzo, & al. (2025) ici, et un extrait : Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

In this picture, the ordering of the triboelectric series at any instant should correspond to the ordering of the different potentials. However, it is clear from Fig. 2d that contact causes changes to the potentials, that is, dφi/dni = f(ni, φi,…), in which ni is the number of contacts sample i has experienced. The critical idea is now this: if contact causes the potentials to ultimately separate, then any ensemble will eventually result in a triboelectric series. Moreover, if the ordering of the final potentials,  φi, is not the same as φi0 , it must be the case that, during their evolution, they 'crossed', resulting in what we (incorrectly) perceive as 'cycle

ΔQijφiφj 

We can use this hypothesis to develop a numerical model that reproduces our experimental data.

Figure 2d implies an evolution consistent with the following differential equation,

dφidni=αi(φiφi),
in which αi are growth rates and  are the values of the potentials at infinite contacts.

Ensuite ils valident ce modèle avec des données prédites et des séries triboélectriques cf. leur figure 3. Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

2ème paramètre proposé ; La mécanique du contact à l'échelle nanométrique

Alors qu'on n'avait pas observé d'effet clair des frottements dans d'autres études, Sobarzo, et al. (2025) étudient en détail ces interactions et trouvent un lissage aux fréquences spatiales élevées (c.-à-d. les plus "fines" irrégularités de surface), qui parait être lié à l'électrification de ces contacts.

Il est clair que le contact modifie fondamentalement la surfaces des échantillons d'une manière qui affecte le mécanisme d'électrification par contact. Ces altérations peuvent être élémentaires (par exemple, modification de la composition atomique), moléculaires (affectant les liaisons) ou physiques (par exemple, modification de la structure/morphologie). Dans la Fig. 4,, nous présentons un ensemble de tests variant la surface afin de détecter ces changements. À l'échelle atomique, d'autres expériences sur l'électrification par contact entre différents matériaux avaient montré que le contact entraîne des modifications de la composition élémentaire. […] Cependant, le calcul de la densité spectrale de puissance (PSD) des données AFM (atomic force microscopy)  (Fig. 4h) révèle une caractéristique surprenante : les surfaces après contact sont plus lisses aux hautes fréquences spatiales. En réalisant de nombreux balayages en plusieurs endroits d'un même échantillon avant et après contact, nous constatons que ces différences sont statistiquement significatives. […] Nous montrons qu'en augmentant le nombre de contacts de 200 à plusieurs milliers, aucune modification n'apparaît dans les données LEIS, Raman et HD-SFG, mais l'adoucissement des queues de haute fréquence dans la PSD de rugosité s'accentue encore davantage. Ces observations suggèrent fortement que l'adoucissement des hautes fréquences présenté dans la Fig. 4h est bien la cause du biais de contact observé dans la Fig. 2 et, par conséquent, le moteur de l'auto-organisation spontanée dans notre système. (Traduction de Sobarzo, et al. (2025)

a, To probe atomic differences in the uppermost approximately 10 nm, we use HR-XPS and measure the Si2p, C1s and O1s peaks. Previous work44 reported a subtle (about 300 meV) shift in the O1s peak of PDMS after contact electrification with polyvinyl chloride (PVC), but averaging several measurements shows that such shifts are within noise in our experiments (that is, shaded error band in the inset). b, Focusing on elemental differences in the outermost atomic layers with LEIS again shows no measurable differences in the C, O or Si concentrations. c, To probe for molecular differences, we record Raman spectra at several locations and plot the mean (line) and standard deviation (error band). The peaks marked as +, O and * correspond to Si–C, Si–O and C–H, respectively. We observe no notable differences in any of the peaks, nor can we reproduce differences found previously30 between 1,600 and 1,950 cm−1 and attributed to COOH groups (inset). d, To probe the outermost molecular layer, we use HD-SFG to measure the symmetric/asymmetric C–H stretching modes (2,900 cm−1 and 2,960 cm−1, respectively). Within the error bands, the pristine/contacted samples are again indistinguishable. e, GIXS data for pristine and contacted samples, which probes subnanometre interatomic structure, also renders pristine/contacted samples as indistinguishable. f, Using SEM to image each surface, we find no visible changes in the surface integrity; regions with (rare) specks are shown intentionally to aid visualization. Scale bars, 20 μm. g, With AFM to characterize surface roughness, we do not find any visible differences. Scale bars, 2 μm. h, However, we do detect differences in the PSD of the roughness, for which contacted samples are smoother at higher spatial frequencies than uncontacted ones. The error bands represent scatter from about ten measurements on different regions for the same sample in the pristine/contacted states, indicating that this result is statistically significant. a.u., arbitrary units.

Fig 4: Ce qui change lors du contact 4h : Différences dans la Densité Spectrale de Puissance (PSD) de la rugosité, les échantillons ayant été en contact étant plus lisses aux hautes fréquences spatiales . Les bandes d'erreur représentent la dispersion d'environ dix mesures effectuées sur différentes régions d'un même échantillon dans ses états initial (pristine) et après contact, indiquant que ce résultat est statistiquement significatif. Légende et figre 4 complète voir ici   [img]. Source :Sobarzo et al. (2025)

Une conclusion prudente
Sobarzo, & al. (2025) concluent qu'aborder le problème en termes de séries triboélectriques ne mène pas très loin, mais que l'étiudier en termes d'historique des contacts, et de mécanique du contact à l'échelle nanométrique serait une piste de recherche féconde.

Nous concluons que l'imprévisibilité de l'électrisation par contact n'est peut-être pas si insurmontable. En prêtant une attention rigoureuse à l'historique des contacts, nous pouvons non seulement expliquer cette imprévisibilité, mais aussi la maîtriser. En tenant compte de l'effet de l'historique des contacts, la notion de série triboélectrique peut être un outil heuristique utile, mais guère plus. Si cet effet est généralisé, chercher un ordre immuable reviendrait à poursuivre un mirage.

Enfin, en nous concentrant sur l'électrisation par contact entre matériaux identiques et sur des sources spécifiques d'imprévisibilité, nous isolons les éléments minimaux pertinents pour ses mécanismes. Face à un phénomène (1) aussi imprévisible et (2) étudié par des disciplines scientifiques distinctes, avec des langages et des cadres conceptuels différents, une telle clarification est précieuse. Dans notre système, elle nous permet de conclure que la cause du transfert de charge est intimement liée à la mécanique du contact à l'échelle nanométrique.Traduction de Sobarzo et al. (2025)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Les limites  et les nouvelles questions qu'elle pose
Cette "mémoire" est évidemment assez troublante, et ne résout pas tout,  mais stimule la curiosité des chercheurs, permet de nouvelles hypothèse et relance une question qui n'avançait guère. 
Souvent, la science avance par petites touches dont on ne voit pas tout de suite  en quoi elles seront importantes et mèneront à  des applications (cf p. ex. le yaourt et la révolution CRISPR/Cas9 -
JTS-ici).
En lisant Sobarzo et al. (2025) ici, on trouve
"À la lumière de ces résultats, deux des mécanismes présentés dans l'introduction méritent une attention particulière : la mécanochimie et la flexoélectricité. Le premier suggère que la contrainte mécanique — qui devient extrêmement élevée lors de la déformation des aspérités à l'échelle nanométrique — peut suffire à provoquer une rupture hétérolytique des liaisons, entraînant ainsi la libération d'espèces chargées pour le transfert. Le second établit un lien entre la polarisation électrique et les gradients de contrainte mécanique — qui deviennent également importants lors de la déformation à l'échelle nanométrique — et peut donc être attendu pour produire d'importants champs électriques lors du contact.
Nos données ne suffisent pas à valider ou invalider directement l'une ou l'autre de ces hypothèses, mais elles nous incitent à une hypothèse intrigante : les deux pourraient être impliquées simultanément. Notre travail appelle ainsi à un examen plus approfondi de ces mécanismes, potentiellement en interaction, en mettant l'accent sur la nature fondamentalement tribologique de l'électrification par contact."  Traduction de Sobarzo et al. (2025)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici
Cette recherche pourrait avoir des applications industrielles et même le problème des poussières sur la lune (Witze, et al. 2025) ici, et sa toxicité (Pohlen et al., 2022)  ici .

Des perspectives pour l'enseignement
Ces résultats permettent d'aborder avec un angle nouveau des questions fondamentales en physique : D'après la news dans Nature Lacks, & al. (2025) ici
    Quelles particules (électrons, ions, fragments de matière) sont impliquées dans l'électrisation ?
    Pourquoi l'ordre de charge des matériaux (série triboélectrique) reste-t-il empirique et non prédictif ? Sobarzo et al. (2025)   apportent des réponses
    Comment des phénomènes à l'échelle nanométrique influencent-ils des effets macroscopiques observables en classe ? Sobarzo et al. (2025)  apportent des indices pour savoir où chercher

Elle ouvre la voie à une meilleure compréhension des phénomènes électrostatiques - et ainsi d'ouvrir une de ces boites noires qu'on utilise souvent pour pudiquement cacher des explications complexes (Haskel-Ittah, 2023), Orange & Orange Ravachol,  2024)

"quelle boite noire  peut-on / doit-on ouvrir ? Lesquelles doit-on laisser fermées, mais en évitant d'apparentes incohérences entre les faits retenus. S'il est impossible d'ouvrir, dans une étude donnée, toutes ces boites (dans le travail scientifique comme à l'école), les laisser toutes fermées pour éviter les problèmes et aller au plus vite à la « bonne solution » empêche toute problématisation approfondie. (Orange & Orange Ravachol,  2024 p. 101)


Peut-être saura-t-on bientôt ouvrir une boite noire de plus et expliquer ce qui se passe lorsqu'on retire un pull synthétique et qu'il attire les cheveux ?.

Remerciements

Remerciements à Laura Weiss pour une relecture détaillée et plusieurs commentaires constructifs qui ont amélioré cette publication.

Références (Les membres Jump-To-Science peuvent obtenir ces articles).

  • Berdeklis, P., & List, R. (2001). The Ice Crystal–Graupel Collision Charging Mechanism of Thunderstorm Electrification. Journal of the Atmospheric Sciences, 58(18), 2751‑2770. https://doi.org/10.1175/1520-0469(2001)058<2751:TICGCC>2.0.CO;2
  • Haskel-Ittah, M. (2023). Explanatory black boxes and mechanistic reasoning. Journal of Research in Science Teaching, 60(4), 915‑933. https://doi.org/10.1002/tea.21817
  • Lacks, D. J. (2012). The Unpredictability of Electrostatic Charging. Angewandte Chemie International Edition, 51(28), 6822‑6823. https://doi.org/10.1002/anie.201202896
  • Lacks, D. J., & Sow, M. (2025). The secrets of static electricity are finally being revealed. Nature, 638(8051), 616‑618. https://doi.org/10.1038/d41586-025-00298-7
  • Orange, C., & Orange Ravachol, D. (2024). Les « éducations à » sont-elles compatibles avec le développement d'une pensée critique en SVT ? Les didactiques face à l'évolution des curriculums. Savoir(s) et pratiques pour entrer dans la complexité du monde. Actes du 6ème colloque international de l'ARCD, 97‑109. https://archive-ouverte.unige.ch/unige:174755
  • Pohlen, M., Carroll, D., Prisk, G. K., & Sawyer, A. J. (2022). Overview of lunar dust toxicity risk. Npj Microgravity, 8(1), 1‑9. https://doi.org/10.1038/s41526-022-00244-1
  • Sobarzo, J. C., Pertl, F., Balazs, D. M., Costanzo, T., Sauer, M., Foelske, A., Ostermann, M., Pichler, C. M., Wang, Y., Nagata, Y., Bonn, M., & Waitukaitis, S. (2025). Spontaneous ordering of identical materials into a triboelectric series. Nature, 638(8051), 664‑669. https://doi.org/10.1038/s41586-024-08530-6
  • Sutton, G. P., Clarke, D., Morley, E. L., & Robert, D. (2016). Mechanosensory hairs in bumblebees (Bombus terrestris) detect weak electric fields. Proceedings of the National Academy of Sciences, 113(26), 7261‑7265. https://doi.org/10.1073/pnas.1601624113
  • Witze, A. (2025). Private spacecraft nails Moon landing : First images of Blue Ghost on the lunar surface. Nature. https://doi.org/10.1038/d41586-025-00670-7Steinpilz, T., Joeris, K., Jungmann, F., Wolf, D., Brendel, L., Teiser, J., Shinbrot, T., & Wurm, G. (2020). Electrical charging overcomes the bouncing barrier in planet formation. Nature Physics, 16(2), 225‑229. https://doi.org/10.1038/s41567-019-0728-9

Semaine du cerveau : "s'adapter" 10 au 14 mars, 19h uniDufour

S'adapter... le thème de la Semaine du Cerveau 2025 à Genève

La Semaine internationale du cerveau est organisée chaque année en mars par le Geneva University Neurocenter. Des conférences pour le grand public sont proposées chaque soir de la semaine, à 19:00 à Uni Dufour (24 rue du Général-Dufour).

Entrée libre et sans inscriptions  Programme ici



Lundi 10 mars: La motivation, moteur de l'adaptation

banner image lundi

La motivation joue un rôle crucial dans la réalisation des objectifs et la prise de décision. Mieux comprendre les mécanismes sous-jacents peut aider à adapter notre comportement face à différents niveaux de motivation.

Intervenants: Sami El-Boustani (UNIGE) et Guido Gendolla (UNIGE)

Uni Dufour, rue du Général-Dufour 24

19:00 (durée 1h30)

La motivation humaine : Des perspectives psychologiques

Cette intervention a pour but de présenter des recherches psychologiques qui mettent en évidence les processus qui dirigent le comportement humain. A titre d'exemple, les questions traitées sont « Comment peut-on réaliser ses buts ? », « Quelle définition des buts est la plus efficace ? », « Comment stimuler et maintenir l'intérêt ? », « Comment faire face aux obstacles comme des difficultés imprévues, des tentations et des distractions pendant la poursuite des buts ? ». L'accent va être mis sur les bénéfices des processus qui supportent le sentiment d'autonomie dans une perspective appliquée.

Guido Gendolla

Professeur à la Faculté de psychologie et sciences de l'éducation (UNIGE)

Sami El-Boustani

Professeur au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine (UNIGE)

La motivation murine : Des perspectives neuroscientifiques

Prendre des décisions, qu'il s'agisse de manger, de gagner de l'argent ou de préserver notre bien-être, est souvent guidé par notre niveau de motivation. Cette dernière joue un rôle clé dans la manière dont nous apprenons et utilisons les informations de notre environnement. Cependant, une motivation trop forte ou trop faible peut conduire à de mauvaises décisions. Mais pourquoi cela se produit-il ? Quels mécanismes dans notre cerveau expliquent ce phénomène ? Comment peut-on mieux s'adapter à des niveaux de motivation trop élevés ? Pour le comprendre, nous avons étudié des souris dans une tâche impliquant leurs moustaches, en ajustant leur niveau de motivation. Je présenterai des résultats qui permettent de comprendre comment, et dans quelle région du cerveau, l'état de motivation peut affecter la perception et la prise de décision.


Mardi 11 mars: Vieillir: Défis et ajustements

banner image mardi

Le cerveau conserve sa capacité d'adaptation même en vieillissant, permettant des améliorations grâce à des entraînements cognitifs. Quels sont les facteurs influençant le comportement adaptatif et qu'est-ce qui différencie le vieillissement normal des dégénérescences?

Intervenants: Bogdan Draganski (INSEL, Berne) et Matthias Kliegel (UNIGE)

Uni Dufour, rue du Général-Dufour 24

19:00 (durée 1h-1h30)

La plasticité cognitive est une dimension centrale du développement du cerveau. Il est important de noter que la plasticité est maintenue pendant le vieillissement normal du cerveau. L'exposé présentera le potentiel et les limites de la plasticité à l'âge adulte, ainsi que les principaux facteurs qui contribuent au comportement adaptatif tout au long de la vie et au cours du vieillissement. Dans une seconde partie, des exemples récents d'études d'entraînement cognitif seront discutés, qui ont montré des moyens d'améliorer la plasticité cognitive chez les adultes âgés (comme l'apprentissage d'un nouvel instrument, des programmes d'entraînement cérébral ou des interventions sur le mode de vie).

Matthias Kliegel

Professeur à la Faculté de psychologie et sciences de l'éducation (UNIGE)

Bogdan Draganski

Professeur et médecin neurologue à l'hôpital universitaire de Berne (INSEL)

Vieillissement réussi - mythe ou réalité

Avec l'âge, nous nous demandons souvent si la diminution des capacités physiques et cognitives fait partie d'un déclin « normal » lié au vieillissement ou si elle est le signe précoce d'une dégénérescence. Dans mon exposé, je présenterai les concepts théoriques actuels et les preuves empiriques concernant les facteurs à l'origine de trajectoires de vieillissement divergentes tout au long de la vie. L'accent sera mis sur l'interaction complexe entre l'humeur et nos fonctions motrices et cognitives. Enfin, nous discuterons des stratégies potentielles pour mieux s'adapter et, pourquoi pas, améliorer ces fonctions à un âge avancé.


Mercredi 12 mars: Comment vivre avec le numérique

banner image mercredi

Les NTIC, omniprésentes, soulèvent des questions sur les limites d'utilisation pour protéger
la santé psychique. Quel est leur impact sur le développement cognitif et quelles sont leurs opportunités dans l'apprentissage et la rééducation?

Intervenantes: Sophia Achab (UNIGE) et Mireille Bétrancourt (UNIGE)

Uni Dufour, rue du Général-Dufour 24

19:00 (durée 1h-1h30)

Connecte, Déconnecte, Reconnecte- limites d'usages des médias connectés dans la sphère privée et professionnelle

Les NTIC font partie de nos vies et de nos interactions des plus formelles au plus intimes. La question des limites d'usage est un thème brulant entre adultes et adolescents, et aussi une hygiène cruciale pour les adultes dans leur sphère professionnelle et privée. Cette question est débattue dans le monde, et sont nées récemment des initiatives autour du ban de smartphones a l'école, d'introduire des limites d'âge a l'accès aux réseaux sociaux et du droit à la déconnexion des employés. La santé psychique est cruciale et elle se décline aussi dans nos usages numériques. Nous aborderons comment poser des limites et lesquelles sont pertinentes selon les âges et les sphères (privée, professionnelle), pour que l'usage des NTIC reste une opportunité et n'entraine pas de risques pour notre bien-être psychique.

Sophia Achab

Psychiatre et chargée de cours à la Faculté de médecine (UNIGE)

Mireille Betrancourt

Professeure à la Faculté de psychologie et sciences de l'éducation (UNIGE)

Des écrans pour apprendre

La forte présence des technologies numériques dans la société actuelle suscite des inquiétudes légitimes quant à leur potentiel impact sur le développement cognitif et social des enfants et adolescents. De nombreuses études ont examiné la question de « l'effet écran » avec des conclusions variables selon la méthode utilisée. Après avoir dressé un panorama des mécanismes attentionnels et cognitifs impliqués dans l'utilisation des technologies numériques, l'exposé abordera la façon dont on peut mettre à profit ces caractéristiques pour la conception d'outils de soutien à l'apprentissage ou la rééducation. Des exemples concrets issus de recherches récentes illustreront le propos.


Jeudi 13 mars: L'intelligence de nos cousins primates

banner image jeudi

Les recherches sur les singes révèlent leur capacité à apprendre les uns des autres, mettant en lumière leur adaptabilité et leur potentiel à évoluer dans leurs comportements culturels.

Intervenant-es: Thibaud Gruber (UNIGE) et Erica van de Waal (UNIL, Lausanne)

Uni Dufour, rue du Général-Dufour 24

19:00 (durée 1h-1h30)

A la découverte de l'intelligence de nos cousins primates

Quelles sont les capacités cognitives de nos cousins primates ? Dans cette présentation, Thibaud Gruber vous enmenera en Ouganda où il travaille avec une communauté de chimpanzé sauvages, et Erica van de Waal en Afrique du Sud pour découvrir une population de singes vervets. Par des observations détaillées depuis plus d'une décennie ainsi que des expériences astucieuses sur le terrain nous étudions les capacités des singes d'apprendre les uns des autres. Ces recherches nous permettent de comprendre les similitudes et différences dans leur capacité de transmission culturelle et de mieux comprendre ce qui rend notre culture si unique.

Thibaud Gruber

Professeur à la Faculté de psychologie et sciences de l'éducation (UNIGE)

Erica Van de Waal

Professeure au Département d'écologie et évolution de la Faculté de biologie et médecine (UNIL)


Vendredi 14 mars: Pieces: Un film sur la résilience mentale

banner image vendredi

PIECES, réalisé par Martin Wilson à Perth en 2022 et diffusé en Australie et en France. Déjà récompensé par plusieurs prix prestigieux en Australie, PIECES soulève des questions et suscite le débat, au sujet de nombreuses personnes neuroatypiques victimes d'isolement et de discrimination. Comment parler de la vie des autres ? Comment, à travers l'art et la science, évoquer les luttes quotidiennes des personnes atteintes dans leur santé psychique et celles de leurs proches ?

Le film a été coproduit par Meeting for Minds, partenaire de cette soirée. Meeting for minds est une organisation à but non lucratif qui propose une nouvelle approche de recherche alliant l'expérience vécue de personnes vivant avec une maladie mentale et l'expertise des chercheurs en neuroscience et en sciences du comportement.

Une discussion suivra la projection avec Camille Piguet, professeure à la Faculté de médecine et psychiatre, ainsi que Yasmine Yagchi, clown hospitalier et une comédienne professionnelle.

Lieu: Uni Dufour, rue du Général-Dufour 24

19:00 (durée 2h00)

"Nos ancêtres végétariens" disent plusieurs médias… Mais quels ancêtres ? Vegan, vraiment ? Quelles controverses influencent la vulgarisation ?

En bref

En effectuant des analyses isotopiques sur des échantillons de dents d'Australopithèques datant de 3,5 millions d'années, des archéologues et des géochimistes (Lüdecke, et al. (2025)ici) ont mesuré le ratio des isotopes  N15/N14, d'une dent suggérant qu'ils avaient un régime alimentaire pauvre en protéines de mammifères. 
Alors que la consommation de viande est considérée comme un tournant majeur dans l'évolution de nos ancêtres hominidés, ces données ont été interprétées comme un signe qu'elle est apparue bien plus tôt qu'on ne le pensait. Ce n'est pas juste une question chronologique... Cette recherche touche une question controversée scientifiquement et socialement.
Il y a une hypothèse qui anime le débat scientifique : que la consommation de viande aurait permis le développement d'un gros cerveau au cours de l'évolution humaine. De plus, sur fond de débat actuel dans les médias sur la consommation de viande ou de végétal pour des raisons de santé et d'impact climatique, l'affirmation "nos ancêtres étaient végétariens" peut augmenter l'écho médiatique.
L'article d'origine titre pourtant - bien plus factuellement - Australopithecus at Sterkfontein did not consume substantial mammalian meat.
Et il est surtout focalisé sur l'exploit technologique : appliquer à l'émail de dents datant de 3.5 millions d'années une technique jusqu'alors limitée à 200'000 ans

Cette tendance à mettre en avant une ( partie de) la conclusion en la présentant sous un angle sensationnaliste est inévitable… Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici
Les médias présentent souvent les résultats de la recherche comme s'il s'agissait de réponses définitives. Cela a été bien montré par Green Staerklé & Clémence (2002), et repris dans  la vidéo dans les conférences scientifiques 2025  de Culture& Rencontre

Situer le contexte et les méthodes pour prendre la mesure de l'affirmation "nos ancêtres végétariens"

Le titre de la recherche recadre déjà bien l'affirmation : "Australopithecus at Sterkfontein did not consume substantial mammalian meat.

Sarah Dirren reçoit Ludovic Slimak, archéologue, chercheur CNRS, spécialiste des comportements des premiers hominidés en particulier, les sociétés néandertaliennes. rts

Ludovic Slimak dans l'émission CQFD de la RTS (ici) nuance d'entrée : Australopithecus africanus n'est pas notre ancêtre direct il y a un buissonnement d'hominines et cette branche va s'éteindre. Avec son humour pince-sans-rire, il ironise "voyez ce qu'ils sont devenus".
Slimak souligne que l'argument que la croissance du cerveau aurait pu se faire déjà sans la consommation de viande n'est pas très fort car ces australopithèques n'ont pas un cerveau bien grand - presque comme un chimpanzé dit-il.
une image qui trompePar ailleurs cette remise en question repose sur l'idée d'un lignage linéaire - que Slimak a bien indiqué ne pas correspondre à nos connaissances actuelles (cf ci-contre image provenant de "L'évolution de l'homme, un dessin qui prête à confusion... ici sur l'excellent site hominides.com Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Hypothèse : le carnivorisme aurait permis un gros cerveau

L'hypothèse du carnivorisme comme facteur ayant permis l'accroissement du cerveau est discutée de manière nuancée dans l'article de Lüdecke, et al. (2025) ici "Increased consumption of animal foods by our early ancestors is widely considered to have had a major impact on the evolution of the hominin lineage (Thompson, et al. (2019) ici ). However, the importance of the transition to animal product consumption compared with the development of other strategies such as processing and cooking plant foods remains unclear." Ils posent ainsi le contexte et montrent qu'il y a encore besoin de recherches - justifiant l'importance de leur prouesse technique.

Une prouesse technique surtout

Slimak souligne que l'apport principal  de cet article est la prouesse technique: Lüdecke et al. (2025) ici ont réussi améliorer une technique connue ( le ratio des isotopes  N15/N14 dans le collagène) qui révèle la consommation de viande mammalienne.
"Lors de la digestion des aliments par les animaux, les réactions biochimiques favorisent l'isotope "léger" de l'azote (¹⁴N). En conséquence, les produits de dégradation formés dans leur organisme contiennent une plus forte proportion de ¹⁴N. L'excrétion de ces composés azotés "légers" via l'urine, les excréments ou la sueur entraîne une augmentation du rapport entre l'azote "lourd" (¹⁵N) et l'azote "léger" dans leur organisme par rapport à leur alimentation. Ainsi, les herbivores présentent un ratio isotopique de l'azote plus élevé que les plantes qu'ils consomment, et les carnivores, à leur tour, ont un ratio encore plus élevé que leurs proies. Par conséquent, plus le rapport ¹⁵N/¹⁴N est élevé dans un échantillon de tissu, plus la position trophique de l'organisme dans la pyramide alimentaire est haute." Traduction de Wits University, news, (2025)ici

Dépassant largement la limite antérieure à ~200'000 ans de cette technique, Lüdecke et al. (2025) ici ont réussi à mesurer le ratio de ces isotopes dans l'émail de dents datant de 3.5mio d'années provenant du site de Sterkfontein. 

Viande = protéine animal ou seulement de mammifère ?

Slimak souligne aussi qu'on mesure la viande de mammifères car la méthode ne détecte pas l'éventuelle consommation d'insectes (les chimpanzés et autres grands singes mangent beaucoup de termites souligne-t-il) ou d'oeufs, voire de poisson. 

Ainsi cette étude montre seulement que "Australopithecus at Sterkfontein did not consume substantial mammalian meat"  comme le titrent Lüdecke et al. (2025). Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Slimak indique aussi que pour consommer de la viande (de mammifère, donc) il faut une organisations sociale, des outils pour dépecer, etc.  "Lüdecke, et al. (2025) ici disent bien que "the importance of the transition to animal product consumption compared with the development of other strategies such as processing and cooking plant foods remains unclear".  Et il ne semble guère y avoir de certitudes solide sur ces questions aussi loin dans le passé.
Il rappelle encore que le site est un grotte dans laquelle des effondrements ont protégé les restes mais pourraient bien avoir chamboulé la stratigraphie. Ce qui rend 'autant plus intéressante cette étude qui discute à partir de mesures dans les dents et non pas dans les restes retrouvés à coté qui pourraient provenir d'une autre époque ou d'un autre animal. Il fait implicitement référence à la figure 1  de Lüdecke et al. (2025). ci-dessous

Fig. 1. Sterkfontein Member 4 and modern enamel nitrogen isotope data.,Box plots of δ15Nenamel values for Pliocene Sterkfontein M4 (A) and published modern African mammalian fauna (45, 46) (B), shown with median and 25th and 75th percentiles. Box plots are grouped by species and sorted in ascending order according to their median δ15Nenamel values. Colored gradients indicate the full isotopic range of each taxonomic group, with associated medians (colored lines) indicated.
Fig. 1: Données sur les isotopes d'azote dans l'émail de spécimens à Sterkfontein 4 et chez des animaux modernes. Box-plot des valeurs de δ15Néemail pour le Pliocène de Sterkfontein Membre 4 (A) et les données publiées sur la faune mammalienne africaine moderne (45, 46) (B), montrant la médiane ainsi que les 25e et 75e percentiles. Les diagrammes en boîte sont regroupés par espèce et triés par ordre croissant de leurs valeurs médianes de δ15Néemail. Les dégradés de couleur indiquent l'amplitude isotopique complète pour chaque groupe taxonomique, avec les médianes associées représentées par des lignes colorées. [img]. Source : Lüdecke et al. (2025) ici

Même l'université hôte des chercheurs sensationnalise un peu

L'uni de Sterkfontein commente fièrement les travaux de l'équipe - mais ne peut s'empêcher de leur donner un peu de sensationnalisme dans le titre en parlant de viande sans préciser 

"Les isotopes d'azote dans l'émail dentaire n'indiquent aucune consommation de viande chez Australopithecus

Des recherches publiées dans Science montrent qu'Australopithecus, un ancêtre humain vivant en Afrique australe il y a environ 3,5 millions d'années, consommait principalement des plantes, sans indice de consommation significative de viande.
Méthodes
L'équipe a analysé les isotopes d'azote dans l'émail dentaire fossile de sept individus Australopithecus, comparant ces données avec celles d'animaux contemporains (primates, herbivores, carnivores). L'émail, tissu particulièrement résistant, conserve la signature isotopique des régimes alimentaires pendant des millions d'années.
Les isotopes d'azote permettent d'estimer la position trophique. Les herbivores présentent un ratio isotope 15N/14N plus élevé que les plantes qu'ils consomment, tandis que les carnivores ont un ratio encore plus élevé. Les échantillons Australopithecus ont révélé des ratios bas, similaires à ceux des herbivores, indiquant un régime majoritairement végétarien.
Résultats et perspectives
Bien qu'une consommation occasionnelle d'œufs ou d'insectes ne puisse être exclue, ces hominidés ne chassaient pas régulièrement de grands animaux, contrairement aux Néandertaliens.
Les chercheurs prévoient d'étendre leurs analyses à d'autres espèces et périodes, en Afrique et en Asie du Sud-Est, pour mieux comprendre l'apparition de la consommation de viande et son rôle éventuel dans l'évolution humaine.
Ces travaux, soutenus par la Société Max Planck et le programme Emmy Noether, offrent de nouvelles perspectives pour explorer les régimes alimentaires anciens et leur impact évolutif." Traduction de Wits University, news, (2025)ici
(Les membres Jump-To-Science peuvent obtenir ces articles).

Références:


Si j'entends que c'est « scientifiquement prouvé », j'en déduis soit que cette personne ne comprend pas vraiment la science, soit qu'elle me considère comme trop bête pour comprendre la science. mercredi 12 II 20h à de Saussure


Il reste une conférence ... demain mercredi 12 février 20h Aula du collège de Saussure.  Entrée sur le côté gauche, en contrebas du bâtiment principal https://maps.app.goo.gl/VEkQyXfNs5bseG5X

L'enregistrement (amateur) des autres est déjà on-line sur le site de Culture et Rencontre

Pourquoi la science est réduite à des conclusions sensationnalistes et définitive dans les médias, à l'école et même  souvent par les scientifiques interviewés.

La plupart des gens découvrent les savoirs produits par les chercheurs·euses via les médias. Pour être plus accrocheuses, les connaissances scientifiques sont simplifiées et transformées, souvent au détriment de la rigueur. Cette transformation, déterminée par le milieu médiatique, est inévitable et prévisible. cf.ci

Si j'entends que c'est « scientifiquement prouvé », j'en déduis soit que cette personne ne comprends pas vraiment la science soit qu'elle me considère comme trop bête pour comprendre la science.

Dr François Lombard, décodera avec vous comment une étude sur les variantes d'un gène humain (connu pour déterminer l'attachement chez des campagnols) ne permet pas de conclure clairement sur le comportement de couple chez les hommes. Et pourtant, il montrera pourquoi cela suscite inévitablement des titres sensationnalistes dans les médias, tels que : "On a trouvé le gène de l'infidélité masculine". Et pourquoi on trouve inévitablement en classe des savoir définitifs et rarement les méthodes qui ont permis de les construire.
La science dans les médias : le sensationnalisme au détriment de la rigueur ?mercredi 12 février 2025

L'enregistrement (amateur) des autres est déjà online sur le site de Culture et Rencontre

Éclairages croisés sur la science et la société : crise de l'expertise, collaborations en recherche, parcours académiques, équilibre carrière-vie privée et genre, transfert d'innovations et impact du sensationnalisme médiatique.

Ce cycle de conférences offrira cinq éclairages sur ce que vivent actuellement les chercheur.e.s, comment leur carrière se construit et s'articule avec leur vie privée, la liberté et les contraintes qui orientent leurs recherches, le devenir des savoirs produits - appliqués dans des produits et services concrets pour la société, comment ces savoirs sont transformés pour s'adapter aux médias, au grand public ou aux enseignements en classe.
JTS illustre d'abord en quoi cela pourrait intéresser les enseignants, puis présente les résumés des conférences et joint à cet envoi le flyer en PDF, n'hésitez pas à le distribuer à vos collègues !

Des activités pour les élèves "comme des chercheurs " - mais comment se fait vraiment la recherche, comment se vit-on comme chercheuse et chercheur, et que ressort-il de ces recherches ?

Plusieurs pédagogies proposent aux élèves d'adopter une posture de chercheur ou chercheuse, mais est-ce possible et savons-nous, en tant qu'enseignants, encore ce que c'est ?
Ces conférences aideront les élèves à donner du sens à l'apprentissage des sciences, face à un monde qui change et pour des jeunes qui remettent en question "la science", parfois vue comme autoritaire et patriarcale ?
Pour aider les élèves à se projeter dans un futur de scientifique, quoi  de mieux qu'entendre des chercheuses et chercheurs raconter comment ils vivent et produisent les savoirs que nous enseignons ?
Comment se construit une carrière  ? 
Peut-être que certain.e.s pensent devoir sacrifier la vie de famille à la recherche ; est-ce forcément le cas ?
Dans ces conférences on pourra entendre discuter des questions que les élèves se posent :
- Quelle liberté a-t-on de choisir ses recherches. Quelle est l'influence des financements, de l'industrie mais aussi de l'intuition, la curiosité ? 
- Que deviennent ces recherches : mènent-elles à des applications utiles à la société ou restent-elles dans des revues que le public ne lit pas ?
- Ce que nous lisons  dans les médias reflète-t-il bien les conclusions des recherches .... ?
- Comment ces savoirs publiés nourrissent-ils ce qui est présenté aux élèves dans les classes ?
- Comment adapter ces savoirs à ses élèves dans le contexte particulier de chaque classe ?

Quelle conférence privilégier pour donner une image réaliste et actuelle de la recherche aux jeunes qui s'orientent pour leurs études - et pour mieux enseigner les sciences

JTS met ici en évidence en quoi chacune de ces conférences peut être pertinente pour vous, et pour vos enseignements, pour y envoyer vos élèves qui s'interrogent sur leur avenir.
  • Les élèves ne savent pas toujours pourquoi on doit apprendre les sciences.
    Ce qu'on attend de l'enseignement de la science est en mutation; Autrefois on formait des futurs biologistes, chimistes, ou physiciens, et la science était le lieu d'une pensée "au-dessus des turpitudes du monde".
      Et si notre rapport à la science avait changé ? De plus en plus la société attend de l'école qu'elle forme des citoyens capables de développer une pensée critique, intégrant les résultats de la science pour prendre leurs décisions. (Cf. p. ex. ici

    Prof. Bruno J. Strasser
    ,  discutera
    pourquoi la crise du Covid-19 a bousculé la notion d'expertise et comment redonner du sens au rôle des sciences dans notre société.
    Sommes-nous tous des experts ?  Me. 15 janvier 2025 vidéo de la conférence ici

  • Pour s'imaginer chercheur ou chercheuse, entendre qu'on peut avoir une vie et être à la pointe, vivre ensemble sa passion et comprendre comment les différences et désaccords aident à réussir.

    Dre Virginie Hamel et Prof. Paul Guichard
    , un couple de chercheurs et chercheuses, enthousiastes et pétillant-e-s montrera comment des obstacles à leur recherche scientifique les ont conduits à développer une technique d'imagerie révolutionnaire  : la microscopie à expansion et ses applications fondamentales et médicales.
    Voir, c'est savoir : du microscope à la découverte scientifique Me, 22 janvier 2025 vidéo de la conférence ici

  • Peu d'élèves ont une idée claire d'un parcours académique. Ils s'imaginent souvent les chercheurs comme des êtres étranges, asociaux, enfermés dans leurs labos - et souvent des hommes âgés.

    Prof. Martina Valentini
    donnera une image plus dynamique, jeune et féminine de ce parcours,
    par lequel elle a pu transformer une passion en une carrière scientifique florissante. De l'étudiante curieuse à la chercheure accomplie , elle décrira comment elle a vécu les études, le doctorat, des projets, des responsabilités, la gestion d'un laboratoire.
    Parcours en recherche : de l'université aux projets scientifiques mercredi 29 janvier 2025 vidéo de la conférence ici

  • La recherche est souvent présentée comme déconnectée, peu utile, planant dans sa tour d'ivoire, ou au contraire très dépendante des acteurs économiques ("vendue aux Pharma").

    Dre Raluca Flückiger
    montrera comment
    UNITEC aide à transformer les idées novatrices issues des laboratoires en produits et services concrets, bénéfiques pour la société.
    Elle discutera du rôle que jouent les universités pour l'innovation dans notre société, et de la construction de collaborations entre universités et entreprises.
    De l'innovation à l'impact : quand l'académie se connecte à l'industrie
    mercredi 5 février 2025

flyer page 1-4



Il repense son enseignement et les étudiants améliorent massivement leurs résultats conférence (an) UNIGE 6 february 14h15

jTS encourage ceux qui le peuvent à assister à cette conférence jeudi 6 janvier  14h15 Grand auditoire de l'Ecole de physique

( oui je sais que c'est demain... regardez avec la section physique si ce sera enregistré)

Abstract : I thought I was a good teacher until I discovered my students were just memorizing information rather than learning to understand the material. Who was to blame? The students? The material? I will explain how I came to the agonizing conclusion that the culprit was neither of these. It was my teaching that caused students to fail! I will show how I have adjusted my approach to teaching and how it significantly has improved my students' performance.

Date : February 6th
Time : 14h15
Place : Grand auditoire de l'Ecole de physique

Prof Mazur repense son enseignement et les étudiants améliorent massivement leurs résultats

Les évaluations de ses étudiants étaient très bonnes, il pensait donner un très bon cours. Il a découvert une mesure de la compréhension réelle (applicable a des problèmes) des étudiants, le FCI  (Hestenes, 1992).  Confiant il a fait passer ce test à ses étudiants
Il a découvert que les étudiants qui réussissaient bien à ses examens avaient parfois un mauvais résultat au FCI (~n'avaient parfois rien compris (les points  en bas à droite du schéma) 
Et que certains en échec avaient en fait bien compris ( les points en haut à gauche)  
 
Fig 1: Un graphique des résultats aux examens de ses étudiants en X contre le résultat FCI en Y.  Idéalement tous les points devaient être sur la diagonale [img]. Source : Mazur, E. (1997)

Il invente un nouvelle façon d'enseigner

Les résultats de ses étudiants s'améliorent de manière massive avec une méthode nouvelle Peer Instruction (on peut le voir comme un précurseur de la classe inversée), 


Fig 2: Les résultats de ses étudiants aux examens finaux se sont améliorés massivemnt  [img]. Source : Mazur, E. (1997)

Ce qui est intéressant c'est qu'il y parvient sans changer le format :  grand auditoire, centaines d'étudiants et sans  disposer d'une armée d'assistants, … 

Pour en savoir plus …JTS recommande sa conférence ,  
Confessions of a Converted Lecturer: From Teaching by Telling to Teaching by Questioning - Section de Physique - UNIGE 6 february 14h15

Ou son ouvrage Mazur, E. (1997). Peer Instruction - dont sont tirées les figures et il montre très concrètement comment le mettre en oeuvre :  On le trouve à la biblio de la fac des Science.
Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici (intranet)  les questions conceptuelles sont ici

C'est un des ouvrages qui a le plus impressionné de nombreux chercheurs, enseignants ...et  votre serviteur !

Une actualisation est Crouch, C. H., & Mazur, E. (2001). ici

Références:

  • Hestenes, D., Wells, M., & Swackhamer, G. (1992). Force Concept Inventory. The Physics Teacher, 30(3), 141‑158. 
  • Mazur, E. (1997). Peer Instruction: A User's Manual: Upper Saddle River, NJ: Prentice Hall.
  • Crouch, C. H., & Mazur, E. (2001). Peer Instruction: Ten years of experience and results. American Journal of Physics, 69, 970. pdf

Il n'y a pas que les gènes ! … et on ne parle pas seulement d'épigénétique, de transmission sociale,... mais de forces de compression contraignant le pliage de tissus - chez des crocodiles

Ce qu'on voit chez tous les individus est génétique... non ?

Ce qui apparaît chez tous les individus de la même espèce de manière identique ou semblable est - implicitement - pensé en termes de génétique. En sciences humaines on oppose le "biologique" considéré comme fixe et déterminé génétiquement au culturel qui serait plus susceptible au changement social.
Cette frontière n'est guère en accord avec l'état des connaissances actuelles en biologie, qui discute les interactions entre le milieu et le génome.

Des contraintes mécaniques, liées à la croissance des tissus déterminent diversité des écailles du museau et des mâchoires chez différentes espèces de crocodiliens

L'équipe du professeur Milinkovitch de l'UNIGE a montré - dans une récente publication dans Nature-  que ce sont ces contraintes mécaniques, liées à la croissance des tissus qui déterminent la diversité des écailles du museau et des mâchoires chez différentes espèces de crocodiliens. Santos-Durán, et al. (2025) ici:

Nature_Cover_croc_Jan_ 2025.jpeg

Leur article a même fait la couverture, et le journal résume ainsi l'étude :

La couverture met en avant le motif mécaniquement auto-organisé des écailles sur la tête d'un jeune crocodile du Nil (Crocodylus niloticus). En général, les appendices cutanés des vertébrés, tels que les écailles, les poils ou les plumes, se développent comme des unités contrôlées génétiquement, dont l'organisation spatiale est dominée par un réseau régulateur de gènes et de molécules de signalisation pendant le développement embryonnaire. Cependant, le motif des écailles sur la tête d'un crocodile constitue une exception, car il semble émerger d'un processus mécanique dont la nature et l'origine précises restent floues. Dans l'édition de cette semaine, Michel Milinkovitch et ses collègues résolvent ce mystère. En travaillant sur des embryons de crocodiles du Nil, les chercheurs ont généré un modèle 3D du motif des écailles sur la tête et ont découvert que les bordures des écailles sont en réalité des plis cutanés qui s'organisent mécaniquement via un processus de pliage par compression. Ce stress compressif résulte de la croissance de deux couches de peau, qui ont des rigidités différentes et croissent plus rapidement que les tissus sous-jacents. Image de couverture : M. C. Milinkovitch & A. Debry. traduction  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici:

Structure de cette JTS 

A) met en perspective l'article, B) en dissèque quelques éléments de structure, C) propose l'historique présenté par Prof Milinkovitch, C) propose la news de l'UNIGE.

A) Milinkovitch et son équipe ont publié plusieurs articles montrant comment des motifs de coloration de la peau apparaissent à partir d'un un réseau régulateur de gènes et de molécules de signalisation

Le prof. Milinkovitch et son équipe avaient montré comment s'établissent les motifs des taches chez divers reptiles voir ici dans Skin colours & patterns plusieurs articles montrant que l'organisation spatiale est dominée par un réseau régulateur de gènes et de molécules de signalisation pendant le développement embryonnaire. Aussi c'est une surprise de voir que ces mécanismes ne sont pas à l'oeuvre chez les crocodiliens.

Pourtant déjà le museau de plusieurs mammifères ne s'expliquait pas avec ce modèle…

Dans un article récent l'équipe de Milinkovitch ont remis en question  ce modèle - en étudiant le museau de plusieurs mammifères: Dagenais, et al. (2024) ici:

" De nombreux motifs morphologiques en biologie résultent des interactions entre des molécules de signalisation (morphogènes) qui régulent la dynamique cellulaire et dont la distribution spatio-temporelle peut être décrite par le processus d'auto-organisation de réaction-diffusion de Turing. Par exemple, de nombreux appendices cutanés (plumes des oiseaux, poils des mammifères et la plupart des écailles des reptiles) se développent à partir de placodes, qui sont des centres de signalisation anatomiques et biochimiques organisés selon un système de réaction-diffusion-taxis. Cependant, ce modèle seul ne suffit pas à expliquer toute la diversité des motifs observés chez les organismes vivants, en particulier les morphologies plissées qui émergent d'instabilités mécaniques dues à une croissance différentielle entre tissus adhérents. Ainsi, la structuration des tissus sous l'influence de la mécanique offre une perspective essentielle et complémentaire pour comprendre la morphogenèse au-delà des paradigmes classiques de l'information de position chimique et des motifs de Turing. Il est probable que de nombreux systèmes biologiques acquièrent leur forme complexe grâce à l'interaction de ces processus chimiques avec les forces mécaniques."  Traduction de Dagenais, et al. (2024)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici:

Graphical abstract undfig1
Fig 2: Graphical abstract
[imgde: Dagenais, et al.dans current biology  ici (2024) 

B) L'article qui a fait la couverture de Nature 9 janvier

Chez les reptiles aussi l'équipe de Milinkovitch propose qu'un nouveau modèle explique le motif des écailles de la tête. ( Santos-Durán, et al., 2025) ici:

L'article s'organise en réfutant d'abord l'hypothèse classique génétique ( "l'organisation spatiale est dominée par un réseau régulateur de gènes et de molécules de signalisation pendant le développement embryonnaire" ) puis s'emploie à proposer une autre explication et s'applique à contrer toutes les réfutations envisageables.
On voit ainsi comment solidement il faut argumenter pour remettre en question un modèle bien établi.

Extraits traduits :

La rationale ( justification que la question traitée est importante et mérite d'être étudiée) 

"Les vertébrés possèdent une grande diversité d'appendices tégumentaires, tels que les plumes, les poils et les écailles. Ces micro-organes remplissent diverses fonctions, allant de la protection mécanique et de la thermorégulation à l'affichage sexuel. Des recherches antérieures ont montré que le développement embryonnaire précoce de ces structures est largement conservé. En général, ces appendices se forment à partir de placodes anatomiques, caractérisées par une signalisation moléculaire conservée entre l'épiderme et le derme sous-jacent.

Le motif des poils, plumes et écailles repose sur des dynamiques de type réaction-diffusion de Turing, résultant d'interactions chimiques entre des morphogènes activateurs et inhibiteurs. Cependant, des études ex vivo ont révélé que l'auto-organisation périodique des appendices tégumentaires peut aussi impliquer des composantes mécaniques. Par exemple, l'agrégation et la contraction locales des cellules mésenchymateuses activent le développement des primordiums de plumes via la signalisation mécanosensible de la β-caténine. Chez le poulet, l'expression spatiale imbriquée de morphogènes dans le derme pourrait conférer des propriétés matérielles distinctes aux différents domaines tissulaires, entraînant ainsi la formation des primordiums de plumes par une instabilité élastique.

L'analyse d'embryons de crocodiles en développement a montré que leurs écailles de tête (couvrant le visage et les mâchoires), contrairement aux écailles du corps, forment des domaines polygonaux convexes irréguliers et non chevauchants, constitués d'une peau hautement kératinisée. Au lieu d'émerger de placodes régies par un motif chimique de type réaction-diffusion et un possible rétrocontrôle mécanique, ces écailles de tête semblent résulter d'un processus purement mécanique, évoquant la fissuration d'un matériau. Une hypothèse spéculative suggère que la prolifération des cellules cutanées pourrait être fortement couplée aux tensions mécaniques engendrées par la croissance rapide du squelette embryonnaire des mâchoires. Plus précisément, toute pliure locale induite par une prolifération sous tension redistribuerait le stress mécanique à ses extrémités, entraînant une propagation en cascade du stress, d'un maximum local de prolifération et de l'avancée des plis, de manière similaire à une fissuration progressive. Cependant, en raison des difficultés expérimentales liées aux embryons de crocodile, ni cette hypothèse ni d'autres hypothèses mécaniques alternatives n'ont été testées "
alternatifs n'ont été testés." Traduction de (Santos-Durán, et al., 2025)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :   ici::

Comment ont-ils procédé ?

 "à l'aide d'expériences in vivo et de simulations numériques, nous invalidons l'hypothèse de croissance locale induite par la tension et montrons que les bords des écailles de la tête du crocodile sont en réalité des plis cutanés internes générés par un stress compressif dans le plan de la peau, résultant d'une croissance rapide et quasi homogène de la peau.

Tout d'abord, nous avons traité des embryons de crocodile du Nil (Crocodylus niloticus) en développement avec des injections intraveineuses in ovo de facteur de croissance épidermique (EGF) afin d'exacerber la différenciation épidermique (et donc sa rigidité effective) ainsi que sa croissance, perturbant ainsi la mécanique sous-jacente à la formation des écailles de la tête. En quantifiant ces effets à l'aide de la microscopie à fluorescence par nappe de lumière (LSFM), nous avons observé que ce traitement entraîne l'apparition de motifs cutanés fortement plissés chez les embryons. Lorsque le traitement est arrêté à un stade embryonnaire précis, ce réseau de plis se détend partiellement pour former un motif d'écailles polygonales plus petites à l'éclosion, rappelant fortement celui des caïmans.

Ensuite, nous avons validé ces résultats expérimentaux grâce à des simulations numériques détaillées, mettant en œuvre un modèle de croissance mécanique tridimensionnel (3D) basé sur des paramètres déduits de la LSFM volumétrique. Notamment, nous avons démontré que la formation normale des écailles de la tête du crocodile du Nil nécessite une différence de rigidité entre le derme et l'épiderme, mais ne requiert pas une croissance différentielle de ces deux couches cutanées adhérentes. Enfin, nous avons généré un morphospace théorique des motifs de pliage cutané, montrant que la diversité des motifs d'écailles de la tête chez les crocodiliens peut s'expliquer par des variations des taux de croissance et des propriétés matérielles du derme et de l'épiderme."  Traduction de (Santos-Durán, et al., 2025)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :   ici::


Quelques résultats

Fig. 1: Dynamics of crocodile head-scale development.

Fig 1:Les écailles des mâchoires des crocodiles du Nil nouvellement éclos forment des domaines polygonaux irréguliers et non chevauchants. b : L'imagerie LSFM révèle l'évolution de la géométrie de surface lors de l'apparition des écailles. À E48, la tête est lisse, puis les bords des écailles se propagent jusqu'à couvrir les mâchoires à E63. Les écailles dorsales de la mâchoire supérieure sont plus grandes et allongées. c : La nanoindentation montre une augmentation de la rigidité de l'épiderme entre E48 et E63. d : La coloration Fast Green met en évidence l'architecture anisotrope du collagène dermique embryonnaire, avec des fibres très organisées sur la partie dorsale de la mâchoire supérieure. Barres d'échelle : 10 μm, 5 mm, 1 mm. Traduction de (Santos-Durán, et al., 2025)  ici

Un extrait de la conclusion

"Il devient de plus en plus manifeste que la formation des formes biologiques implique des processus mécaniques clés, efficaces à l'échelle mésoscopique. Nous avons précédemment démontré que les écailles polygonales irrégulières de la tête des crocodiles ne sont pas des unités de développement dérivées de placodes, générées par un motif chimique de type Turing. Au contraire, elles résultent d'un processus mécanique produisant des structures géométriques et des dynamiques rappelant superficiellement la fissuration d'un matériau soumis à un champ de contrainte en traction.

Ici, nous montrons que le motif des écailles de la tête du crocodile émerge en réalité d'instabilités mécaniques de compression. Il est important de noter que ces instabilités élastiques spécifiques ne sont pas causées par une croissance différentielle du derme par rapport à l'épiderme, mais plutôt par leurs propriétés matérielles distinctes (notamment leur rigidité) et leur croissance plus importante par rapport aux tissus sous-jacents.

Globalement, nous démontrons que l'évolution a conduit à deux mécanismes distincts pour la formation des écailles chez les crocodiliens : des instabilités chimiques de type Turing pour les écailles du corps et des instabilités mécaniques pour les écailles de la tête. " Traduction de (Santos-Durán, et al., 2025)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :   ici::


C) Comment ce projet s'est construit (par Prof. Milinkovitch)

Si vous vous intéressez à la biologie évolutive du développement, au modèle de formation des systèmes biologiques ou à la physique de la biologie, Prof Milinkovitch souhaite partager avec vous un article publié cette semaine dans la revue Nature.

Auto-organisation du motif des écailles de la tête de crocodile par pliage compressif
Santos-Durán, Cooper, Jahanbakhsh, Timin & Milinkovitch
Nature 637, 375–383 (2025)
DOI : https://doi.org/10.1038/s41586-024-08268-1

Une video résumant leur recherche sur ce sujet est disponible en plusieurs langues.
La playlist suivante vous donne accès aux versions en anglais, chinois, japonais, allemand, français et espagnol :
https://www.youtube.com/playlist?list=PLZcRN5MIBtXxHUiu6hFfSUpzv_itoLS-x

Un résumé du parcours ayant conduit à cette recherche est disponible ici :
https://www.lanevol.org/news/article/our-new-study-mechanics-crocodile-head-scale-development-published-today-nature


D) Dans les news de l'UNIGE:  La diversité du vivant n'est pas qu'affaire de génétique

Une étude de l'UNIGE révèle comment des contraintes mécaniques, liées à la croissance des tissus, participent à générer la diversité des structures biologiques.

La diversité des écailles du museau et des mâchoires chez différentes espèces de crocodiliens provient de l'évolution de paramètres mécaniques. © Michel Milinkovitch — University of Geneva, Switzerland

Comment expliquer la diversité morphologique des espèces? Si la génétique est la réponse qui vient spontanément à l'esprit, elle n'est cependant pas la seule explication. En combinant observations du développement embryonnaire, techniques de microscopie avancées et modélisations informatiques, une équipe pluridisciplinaire de l'Université de Genève (UNIGE) démontre que le développement des écailles de la tête des crocodiles résulte d'un processus lié à la mécanique des tissus en croissance, plutôt qu'à la génétique moléculaire. La diversité de ces écailles, observées chez différentes espèces de crocodiliens, provient donc de l'évolution de paramètres mécaniques. Ces résultats offrent un éclairage inédit sur les forces physiques impliquées dans le développement et l'évolution de la diversité des formes du vivant. Ils pourraient s'appliquer à d'autres systèmes biologiques complexes. Ces travaux sont à lire dans la revue Nature.

L'origine de la diversité et de la complexité morphologique des êtres vivants demeure l'un des plus grands mystères de la science. Pour l'élucider, les scientifiques étudient diverses espèces biologiques. Le laboratoire de Michel Milinkovitch, professeur au Département de génétique et évolution de la Faculté des sciences de l'UNIGE, étudie le développement et l'évolution des appendices tégumentaires des vertébrés – c'est à dire les plumes, les poils et les écailles – pour comprendre les mécanismes fondamentaux responsables de cette diversité. On considère généralement que le développement embryonnaire de ces appendices est dicté par des processus génétiques impliquant des interactions entre de nombreuses molécules issues de l'expression des gènes.


Comme une «fissure» qui se propage

Cependant, des analyses du développement d'embryons de crocodiles menées précédemment ont permis au laboratoire genevois de montrer que, contrairement à celles du corps, les écailles recouvrant le museau et les mâchoires proviennent d'un processus rappelant la propagation de fissures au sein d'un matériau subissant un stress mécanique. La nature exacte de ce processus physique restait toutefois inconnue.


L'équipe l'UNIGE a résolu ce mystère grâce à de nouveaux travaux hautement multidisciplinaires. Elle a d'abord observé l'apparition des écailles au cours du développement de l'embryon de crocodile du Nil, qui dure environ 90 jours. Alors qu'au 48ème jour, la peau recouvrant les mâchoires et le museau est encore lisse, des plis cutanés apparaissent dès le 51ème jour puis se propagent et s'interconnectent pour former des écailles polygonales de deux types: larges et allongées sur le dessus du museau, plus petites et irrégulières sur les côtés des mâchoires.
 


Le groupe de Michel Milinkovitch a voulu savoir si des différences de vitesse de croissance entre l'épiderme, le derme et les os du crâne sous-jacents pouvaient expliquer l'apparition des plis, et donc des écailles. Pour y parvenir, il a mis au point une technique d'injection dans l'oeuf de crocodile d'une hormone activant la croissance et la rigidification de l'épiderme – le facteur de croissance EGF (pour Epidermial Growth Factor). Il a alors découvert que l'activation de la croissance et l'augmentation de la rigidité de la couche superficielle de la peau entrainent une modification spectaculaire de l'organisation des plis cutanés.


«Nous observons que la peau plisse d'abord anormalement et forme un réseau labyrinthique ressemblant aux plis du cerveau, mais finit par former des écailles beaucoup plus petites comme chez les
caïmans», expliquent Gabriel Santos-Durán et Rory Cooper, post-doctorants dans le laboratoire de Michel Milinkovitch et co-auteurs de l'étude. Ces observations montrent que la variation dans la vitesse de croissance et de rigidification des couches cutanées est un mécanisme évolutif simple, capable de générer une grande diversité de formes d'écailles parmi les différentes espèces de crocodiliens.


Un modèle 3D du développement de la mâchoire

Les scientifiques ont ensuite utilisé des techniques avancées de microscopie, dite de «fluorescence à feuille de lumière», pour quantifier la vitesse de croissance et la variation d'épaisseur des différents tissus (épiderme, derme, tissu osseux) partout sur la tête de l'embryon, mais aussi l'organisation des fibres de collagène dans le derme. L'équipe genevoise a utilisé ces données pour construire un modèle informatique tridimensionnel (3D) permettant de faire varier la vitesse de croissance et la rigidité des tissus.


«En explorant ces différents paramètres, nous pouvons générer les différentes formes d'écailles correspondant aux crocodiles du Nil traités et non-traités avec l'EGF, mais aussi le caïman à lunettes ou l'alligator américain. Ces simulations informatiques démontrent que la mécanique des tissus permet d'expliquer facilement la diversité des formes de certaines structures anatomiques dans différentes espèces, sans faire intervenir des facteurs génétiques moléculaires», conclut Ebrahim Jahanbakhsh, ingénieur informaticien dans le laboratoire de Michel Milinkovitch et co-auteur de l'étude.

:

Références:

  • Dagenais, P., Jahanbakhsh, E., Capitan, A., Jammes, H., Reynaud, K., De Juan Romero, C., Borrell, V., & Milinkovitch, M. C. (2024). Mechanical positional information guides the self-organized development of a polygonal network of creases in the skin of mammalian noses. Current Biology: CB, 34(22), 5197-5212.e4. https://doi.org/10.1016/j.cub.2024.09.055
  • Santos-Durán, G. N., Cooper, R. L., Jahanbakhsh, E., Timin, G., & Milinkovitch, M. C. (2025). Self-organized patterning of crocodile head scales by compressive folding. Nature, 637(8045), 375‑383. https://doi.org/10.1038/s41586-024-08268-1

Remerciements

Merci au prof. Milinkovitch pour sa relecture


Journée mondiale des zones humides à Genève : le 2 février 2025 - activités pour vous et vos élèves

Une activité nature avec vos élèves ... ou pour votre plaisir ?

Une occasion exceptionnelle avec Gottlieb Dändliker, et Alice Cibois qui connaissent extrêmement bien la nature, et les enjeux environnementaux et sociétaux de la région.

Au programme le 2 février 2025 – activités gratuites, en partie sur inscription

  • Une lagune pleine de vie au cœur de la ville - Plage publique des Eaux-Vives 9h Martin-pêcheur, fuligules et cie...
    • Partons à la recherche du martin-pêcheur et de l'énigmatique fuligule nyroca: du Port-Noir au Jardin anglais, venez découvrir les richesses que recèlent les ports en hiver! G- roupe ornithologique du bassin genevois (GOBG)
  • de 9h à 16h Reconnaître à coup sûr les oiseaux d'eau urbains
    • Un stand pour apprendre à observer les oiseaux et reconnaître les principales espèces présentes en hiver, en compagnie d'ornithologues du Muséum! - Muséum d'histoire naturelle de la Ville de Genève
  • 9h et 14h Le lac renaturé à vue d'oiseau: une croisière avec l'inspecteur de la faune
    • Un safari urbain sur l'eau exceptionnel pour redécouvrir les rives et nos oiseaux d'eau et s'initier aux enjeux de la renaturation. S'inscrire le matin ou l'après-midi - Etat de Genève
  • de 11h à 15h Les dessous d'un radeau-jardin et de ses habitants
    • A la découverte des petites formes de vie étonnantes qui peuplent le lac et d'un extraordinaire radeau vivant qui pourrait peut-être métamorphoser nos plans d'eau urbains! Hepia et Floradeau
  • 12h30 Le lac renaturé à vue... d'Eider: une causerie avec l'inspecteur de la faune
    • Connaissez-vous cet oiseau douillet à l'origine des édredons? Entre le gîte et le couvert, que faudrait-il pour favoriser l'Eider sur nos rives? - Etat de Genève
  • 14h Un lac en bonne santé, havre de paix pour les oiseaux!
    • Atelier bien au chaud dans les locaux de l'Espace Léman et balade avec jumelles pour aller explorer les sites renaturés des Eaux-Vives - ASL
  • 14h A la découverte des oiseaux pêcheurs
    • Eh oui, il y a du poisson jusqu'en ville, alors venez découvrir les secrets des oiseaux pêcheurs du Léman en compagnie d'un animateur naturaliste passionné - Pro Natura Genève
  • Autre site à découvrir
    • 13h-17h Pavillon Plantamour: les canards de la rade
  • Un naturaliste vous accueille pour vous présenter la faune ailée de la rade - La Libellule

Pour tout complément d'information:

M. Gottlieb Dändliker, inspecteur de la faune, DT,T. 022 388 55 32 ou 079 240 83 49, gottlieb.dandliker@etat.ge.ch

Mme Alice Cibois, muséum d'histoire naturelle, T. 022 418 63 02, alice.cibois@ville-ge.ch




MUSÉUM - GENÈVE (Muséum d'histoire naturelle et Musée d'histoire des sciences

Martin pêcheur

Entre roselière et eiders, vive la renaturation urbaine: le 2 février Genève célèbre le renouveau de nos paysages lacustres

Voir un martin-pêcheur, un héron cendré ou un brochet n'a désormais rien d'inhabituel lors d'une promenade le long des quais genevois. En effet, pour le plus grand bonheur de la faune sauvage et des curieux, le Léman urbain est un véritable espace de reconquête pour la nature! Afin de permettre au plus grand nombre de découvrir cette richesse colorée qui caractérise les espaces aquatiques et nos rives renaturées, une large palette d'animations gratuites sera proposée le 2 février au public à Genève à l'occasion de la Journée mondiale des zones humides. Atelier de découverte, rencontre avec les ornithologues du Muséum, croisières avec l'inspecteur de la Faune sont quelques exemples des belles activités organisées à cette occasion.

Précieux réservoirs d'eau, de ressources alimentaires et de fraicheur, mais aussi espaces de délassement et de ressourcement riches en biodiversité, les sites aquatiques naturels fournissent aux populations riveraines des services réellement irremplaçables.

Liste mondiale de sites protégés

Compte tenu de leur grande valeur, ces espaces doivent pouvoir bénéficier d'une protection suffisante pour assurer durablement leur avenir et… le nôtre. C'est précisément ce que vise la Convention de Ramsar, ratifiée par la Suisse et 171 autres signataires, qui inclut dans sa liste de sites d'importance internationale la "Rade et le Rhône genevois". Cet engagement planétaire est aussi à l'origine de la Journée mondiale des zones humides, largement célébrée chaque hiver à travers le monde et, une nouvelle fois cette année, à Genève.

Le Léman urbain, espace de reconquête pour la nature!

Ainsi, ce dimanche 2 février, de nombreux naturalistes, scientifiques et passionnés donnent rendez-vous au public avec une copieuse palette d'animations gratuites sur le thème "Vive la renaturation urbaine !". En effet, nos quais qui ont longtemps fait la part belle au béton deviennent bien plus accueillants pour la nature grâce à une série de projets enthousiasmants qui ont su allier qualité de vie locale et renforcement de la biodiversité. Si la Plage publique des Eaux-Vives est à cet égard une réussite spectaculaire et reconnue, elle s'ajoute à une série de projets innovants moins connus qui s'étendent sur les deux rives : à Genève, roselières, lagunes et récifs enrichissent progressivement le paysage lacustre urbain ! Le résultat cumulé est loin d'être négligeable car ce sont au total plus de 3 hectares d'espaces de respiration qui ont été créés en une quinzaine d'années en plein cœur de notre agglomération très contrainte. Invitant à la découverte et au délassement, ces lieux renaturés citadins font désormais le bonheur des martins-pêcheurs, grèbes huppé et brochets, comme des curieux.



POUR TOUT COMPLÉMENT D'INFORMATION

Gottlieb Dändliker, inspecteur de la faune Département du territoire (DT)
gottlieb.dandliker@etat.ge.ch  T. +41 (0)22 388 55 32 P. +41 (0)79 240 83 49
Alice Cibois Muséum d'histoire naturelle Genève alice.cibois@geneve.ch  T. +41 (0)22 418 63 02
Partenaires locaux de la Journée mondiale des zones humides :

Secrétariat de la Convention de Ramsar, État de Genève, Muséum d'histoire naturelle de Genève, Groupe des jeunes Nos Oiseaux-Genève, Groupe ornithologique du bassin genevois (GOBG), Pro Natura Genève, La Libellule, HEPIA, Association pour la sauvegarde du Léman (ASL), Association NARIES

Site officiel du Muséum d'histoire naturelle de Genève

info.museum@geneve.ch

MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE - FERMÉ

MUSÉE D'HISTOIRE DES SCIENCES

Parc de la Perle du Lac
128, rue de Lausanne,
1202 Genève - CH
T +41 (0)22 418 50 60






La microscopie pour voir la structure ET le fonctionnement - sans même ouvrir la cellule ??

Une nouvelle technique de microscopie : déjà de nombreuses applications … venez entendre la chercheuse et le chercheur qui l'ont inventée!

Le 10 octobre une news de Nature présentait (cf plus bas) présente une magnifique application de la microscopie à expansion  (Ultrastructure Expansion Microscopy (U-ExM)) découverte par Virginie Hamel et Paul Guichard de l'UniGE
…  …  vous avez peut-être eu la chance  de les entendre le 22 janvier dans le cadre du cycle des grandes conférences , à 20h à l'aula du collège de Saussure  sinon la vidéo est ici
VOIR C'EST SAVOIR : DU MICROSCOPE À LA DÉCOUVERTE SCIENTIFIQUE
Dre Virginie Hamel et Prof. Paul Guichard, Département de biologie moléculaire et cellulaire, UNIGE
Lors de cette conférence à deux voix, nous partagerons notre complémentarité en recherche scientifique, illustrant comment la synergie entre nos approches contribue à la production de savoirs. Nous parcourrons les étapes du cycle scientifique, de l'hypothèse aux expériences, de l'interprétation à la diffusion, en mettant en lumière notre collaboration autour de la microscopie à expansion. Cette technique révolutionnaire d'imagerie nanoscopique qui est au coeur de notre recherche, nous permet de lier recherche fondamentale et médicale pour de nouvelles perspectives scientifiques.
S'appuyant sur la technique de Hamel et Guichard, Labade, et al. (2024) ici ont developpé  une nouvelle technique de microscopie que Heidi Ledford, (2024) dans une news de Nature ici décrit cette technique  « phénoménale » qui  permet aux scientifiques d'observer l'interaction des protéines et des chromosomes dans une cellule intacte. La méthode, appelée séquençage génomique in situ par expansion (expansion in situ genome sequencing (ExIGS)), a été décrite dans une prépublication publiée sur bioRxiv le 26 septembre. Cela signifie qu'elle n'a pas encore été évaluée par le processus classique de Reviewing qui valide la publication. Adaptation de Ledford, H. (2024)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

La biologie descriptive ET la fonctionnalité interne d'une cellule à un moment donné  ?

La première ligne de l'abstract de Labade, et al. (2024) ici pose brièvement le problème que l'article adresse (la rationale):
La microscopie (qui révèle plutôt la structure) et la génomique (qui fournit plutôt des information sur l'expression des gènes et le fonctionnement) sont toutes deux utilisées pour étudier les cellules, mais les approches permettant de relier ces deux types d'informations sont rares, en particulier à une résolution subnucléaire.(trad. JTS)
Immunofluorescence in an expanded nucleus shown in blue, yellow and purple colours on a black background

Fig 1: Le séquençage génomique in situ par expansion nouvelle méthode d'imagerie révèle diverses protéines (bleu, jaune et magenta)
à l'intérieur du noyau d'une cellule de tissu conjonctif humain. [img]. Source : Ajay Labade, Zachary Chiang, Caroline Comenho et Jason Buenrostro

De nombreux chercheurs se précipitent pour tester cette puissante technique de microscopie capable de séquencer simultanément l'ADN d'une cellule individuelle et de localiser ses protéines avec une grande précision, sans avoir à ouvrir la cellule ni à en extraire le contenu. Imager l'ADN et les protéines dans des cellules intactes fournit des informations cruciales sur la façon dont ces molécules interagissent.

Labade, et al. (2024) ici qui ont développé cette méthode, l'ont déjà utilisée pour étudier comment le vieillissement pourrait modifier les interactions entre les protéines du noyau et les chromosomes. Ils ont découvert que, avec l'âge, des changements dans ces protéines nucléaires semblent réprimer l'activité des gènes.Adaptation de Ledford, H. (2024)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Révéler l'organisation de l'ADN

Cette approche pourrait être particulièrement utile pour les chercheurs étudiant comment l'ADN est enroulé autour des protéines et empaqueté dans les noyaux cellulaires, et comment la position des gènes dans cette masse peut influencer leur activité. « On peut considérer l'ADN comme une "ficelle linéaire d'informations" qui doit être compressée et organisée dans un noyau cellulaire de 5 microns », explique Jason Buenrostro, généticien à l'Université Harvard à Cambridge, Massachusetts, et auteur de la prépublication. « Il y a beaucoup d'informations dans la manière dont cet empaquetage se fait. » Pour extraire ces informations, Buenrostro et ses collègues ont combiné deux méthodes déjà existantes. La première utilise une enzyme spéciale pour copier l'ADN, associée à des composants d'ADN marqués avec des fluorescences qui s'intègrent, un par un, dans les nouvelles chaînes d'ADN. En lisant la séquence d'ajout des marqueurs fluorescents, les chercheurs peuvent déterminer la séquence des fragments du génome. Adaptation de Ledford, H. (2024)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Small multi-coloured dots make up the shape of an oval on a black background

Fig 2 : Le séquençage génomique in situ par expansion révèle des informations génomiques : Chaque couleur représente un chromosome différent dans le noyau de la même cellule de tissu conjonctif.
[IMG]  Crédit : Ajay Labade, Zachary Chiang, Caroline Comenho et Jason Buenrostro

Les chercheurs savent depuis longtemps comment marquer les protéines pour suivre leur position. Mais la résolution de la microscopie optique est limitée par la longueur d'onde de la lumière, ce qui rend difficile de distinguer des brins d'ADN ou des protéines très proches les uns des autres — un problème particulièrement délicat dans le noyau étroit. C'est pourquoi l'équipe a ajouté une méthode appelée microscopie par expansion. Cette technique repose sur un gel qui pénètre dans les cellules et gonfle lorsqu'il absorbe de l'eau, comme le matériau des couches jetables. Lorsque le gel se dilate, il écarte les molécules, rendant plus facile la distinction entre elles. Adaptation de Ledford, H. (2024)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Premières applications prometteuses

Cette combinaison a permis à l'équipe de Buenrostro d'étudier les interactions entre protéines et gènes dans les cellules de personnes atteintes du syndrome de Hutchinson-Gilford (progeria), une maladie génétique entraînant un vieillissement prématuré. Cette maladie est causée par des mutations dans les protéines appelées lamines, normalement situées à la périphérie du noyau cellulaire. Les chercheurs ont confirmé que chez les individus atteints de progeria, ces lamines anormales envahissent l'intérieur du noyau, où elles semblent altérer l'organisation des chromosomes et réprimer l'activité des gènes. Des anomalies similaires ont été observées dans des cellules de peau d'un donneur âgé de 92 ans n'ayant pas de progeria.

Cependant, la technique exige une expertise considérable, ce qui limitera le nombre de chercheurs pouvant l'adopter immédiatement, selon Kelly Rogers, spécialiste en microscopie avancée à l'Institut de recherche médicale Walter et Eliza Hall à Melbourne, en Australie. Mis il estime qu'avec le temps, dit-elle, les protocoles pourraient être simplifiés ou même commercialisés.« Une chose est sûre : cette méthode deviendra accessible à un plus grand nombre de scientifiques », conclut Rogers. « Les limites de ce que nous pouvons accomplir semblent désormais bien peu nombreuses. » Adaptation de Ledford, H. (2024)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Abstract de Labade, et al. (2024)

"Microscopy and genomics are both used to characterize cell function, but approaches to connect the two types of information are lacking, particularly at subnuclear resolution. While emerging multiplexed imaging methods can simultaneously localize genomic regions and nuclear proteins, their ability to accurately measure DNA-protein interactions is constrained by the diffraction limit of optical microscopy. Here, we describe expansion in situ genome sequencing (ExIGS), a technology that enables sequencing of genomic DNA and superresolution localization of nuclear proteins in single cells. We applied ExIGS to fibroblast cells derived from an individual with Hutchinson-Gilford progeria syndrome to characterize how variation in nuclear morphology affects spatial chromatin organization. Using this data, we discovered that lamin abnormalities are linked to hotspots of aberrant euchromatin repression that may erode cell identity. Further, we show that lamin abnormalities heterogeneously increase the repressive environment of the nucleus in tissues and aged cells. These results demonstrate that ExIGS may serve as a generalizable platform for connecting nuclear abnormalities to changes in gene regulation across disease contexts." Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Références:

  • Labade, A. S., Chiang, Z. D., Comenho, C., Reginato, P. L., Payne, A. C., Earl, A. S., Shrestha, R., Duarte, F. M., Habibi, E., Zhang, R., Church, G. M., Boyden, E. S., Chen, F., & Buenrostro, J. D. (2024). Expansion in situ genome sequencing links nuclear abnormalities to hotspots of aberrant euchromatin repression (p. 2024.09.24.614614). bioRxiv. https://doi.org/10.1101/2024.09.24.614614
  • Ledford, H. (2024). 'Phenomenal' tool sequences DNA and tracks proteins—Without cracking cells open. Nature, 634(8035), 759‑760. https://doi.org/10.1038/d41586-024-03276-7

Quand la course à la publication menace la qualité scientifique : le cas Hindawi et la rétractation record de 2022

Quand la course à la publication menace la qualité scientifique : le cas Hindawi et la rétractation record de 2022

Dans un texte récent « Mesures et démesures de la publication scientifique », le mouvement « Ouvrir la science » attire l’attention sur l’augmentation très rapide , voire exponentielle, du nombre ...

Lire la suite...

C’est dans le besoin qu’on reconnaît ses amis ?

Transmission ≠ contagion ≠ génétique

2 Quand on parle de transmission de problèmes de santé  on pense à des agents infectieux, entre parents et descendants on pense à la génétique.
Or on transmet aussi à ses proches, notamment avec ceux faisant ménage commun  des comportements - qui ont une influence sur la santé - idem pour l'éducation... Cf. p. ex. : il ne suffit pas d'acheter bio pour rester svelte : l'éducation est plus efficace ! (JTS 2VI2014) . De plus, cet article le discute, on partage son microbiote.
De même les parents transmettent à leurs descendants des gènes, bien sûr mais aussi des comportements alimentaires, et même leur microbiote. Ainsi ce qu'on mesure comme corrélations entre parents et enfants est bien plus que les gènes.

 "C'est dans le besoin qu'on reconnaît ses amis" 

Une recherche récente donne un peu de fondement à ce proverbe dans son sens un peu trivial… elle révèle qu'on partage une bonne part de son microbiote avec ses proches; Or le microbiote influence aussi l'obésité.

Nicholas Christakis, sociologue à Yale et son équipe (2007 ) (ici), avaient émis l'hypothèse que les amis pourraient se transmettre des microbes en plus que d'influencer leurs habitudes alimentaires.
Une news dans Nature Sidik, S. (2024) ici rapporte que Beghini et al.  2024) ici ont trouvé en étudiant 1'787 adultes dans 18 villages isolés au Honduras que les personnes faisant ménage commun partagent 13.9% de leurs souches bactériennes, 10% avec les amis alors que les habitants du même village n'en ont que 4% en commun.

Sidik (2024) ici l'illustre avec cette image titrée "Your friends shape your microbiome — and so do their friends"

A group of women enjoy a meal and share food at a table in a restaurant.

Figure 1 : les convives partagent plus que la nourriture et l'amitié lors d'un repas 
[img] source Sidik (2024) ici Credit: Getty

L'étude explore comment les interactions sociales influencent le microbiote intestinal, s'inspirant de recherches initiales sur l'association entre l'obésité et les liens sociaux révélés par les réseaux sociaux. 

Diffusion de l'obésité, liens sociaux et habitudes alimentaires

Pour tester l'hypothèse de Christakis, et al. (2007 ) (ici) (que les amis pourraient se transmettre des microbes en plus que d'influencer leurs habitudes alimentaires), Beghini, et al. (2024) ici

ont étudié 18 villages isolés au Honduras, où les interactions sont majoritairement en face-à-face (réseaux absents) et où l'exposition aux aliments transformés et aux antibiotiques est limitée. Les résultats montrent que les époux ou les personnes vivant ensemble partagent jusqu'à 13,9 % de leurs souches microbiennes, tandis que les amis partageant du temps ensemble en partagent 10 %, contre seulement 4 % pour les habitants d'un même village n'interagissant pas fréquemment. Ces données suggèrent que les microbes intestinaux se transmettent via les relations sociales.

Pour Valles-Colomer et al. (2023) ici cette découverte enrichit notre compréhension des facteurs influençant le microbiote, et peut même être un facteur explicatif de transmission (en tous cas de corrélations n.d. JTS) de maladies rarement considérées comme contagieuses. Selon les chercheurs, elle pourrait même ouvrir des pistes pour la gestion de maladies liées au microbiote, comme la dépression ou l'hypertension, en combinant thérapies classiques et interventions ciblant le microbiote. Traduction de Sidik (2024) ici

Repenser la transmissibilité

Des recherches comme celle-ci « changent complètement notre façon de penser », car elles suggèrent que les facteurs de risque pour des maladies ou troubles liés au microbiote, pourraient se propager d'une personne à l'autre via leurs microbiotes, explique Nicola Segata, biologiste computationnel à l'Université de Trente, en Italie. Segata n'a pas participé à ce travail, mais il a collaboré avec Valles-Colomer et des membres de l'équipe de Christakis dans le cadre de recherches similaires.

Dans le cas de la dépression, qui peut être difficile à traiter, combiner les thérapies existantes avec des traitements ciblant le microbiote pourrait améliorer les soins, affirme Valles-Colomer. (Traduction de Sidik (2024) ici)

Il ne faudrait pas éviter les interactions sociales par crainte d' « attraper » le microbiote d'autrui.

Valles-Colomer indique toutefois qu'il ne faudrait pas éviter les interactions sociales par crainte de « contracter » le microbiote d'autrui. Les interactions sociales peuvent transmettre des composants de microbiotes sains et ont d'innombrables autres avantages. Il insiste « Les contacts proches ne sont pas mauvais; au contraire, ils sont bénéfiques ! ».(Traduction de Sidik (2024) ici)

References

  • Beghini, F., Pullman, J., Alexander, M., Shridhar, S. V., Prinster, D., Singh, A., Matute Juárez, R., Airoldi, E. M., Brito, I. L., & Christakis, N. A. (2024). Gut microbiome strain-sharing within isolated village social networks. Nature, 1‑9. https://doi.org/10.1038/s41586-024-08222-1
  • Christakis, N. A., & Fowler, J. H. (2007). The Spread of Obesity in a Large Social Network over 32 Years. New England Journal of Medicine, 357(4), 370‑379. https://doi.org/10.1056/NEJMsa066082
  • Hanage, W. P. (2014). Microbiology : Microbiome science needs a healthy dose of scepticism. Nature, 512(7514), 247‑248. https://doi.org/10.1038/512247a
  • Sidik, S. (2024). Your friends shape your microbiome—And so do their friends. Nature, d41586-024-03804‑03805. https://doi.org/10.1038/d41586-024-03804-5
  • Valles-Colomer, M., Blanco-Míguez, A., Manghi, P., Asnicar, F., Dubois, L., Golzato, D., Armanini, F., Cumbo, F., Huang, K. D., Manara, S., Masetti, G., Pinto, F., Piperni, E., Punčochář, M., Ricci, L., Zolfo, M., Farrant, O., Goncalves, A., Selma-Royo, M., … Segata, N. (2023). The person-to-person transmission landscape of the gut and oral microbiomes. Nature, 614(7946), 125‑135. https://doi.org/10.1038/s41586-022-05620-1

Remerciements

Remerciements à Laura Weiss pour une relecture et des commentaires constructifs.